Solène – Impertinence    Tome 1

A 17 ans, Solène rêve d’amour, de sexe et de liberté. Virée de son lycée pour une énième transgression du règlement, elle est envoyée dans un pensionnant de province pour poursuivre sa scolarité.

Passant du tumulte de la vie parisienne au cadre rigide d’un lycée exclusivement féminin, Solène va découvrir que son désir d’indépendance est tout aussi fort et destructeur que les élans passionnés de son cœur.

Car comment assumer son attirance pour une femme quand c’est la première fois ? Et comment définir cette relation qui la lie à cet homme plus âgé qui sait faire vibrer son corps comme nul autre avant lui ?

Bienvenue dans le quotidien d’une adolescente ordinaire confrontée aux infinies tentations de la vie !

Flirts, amitiés complices, violences, harcèlement scolaire, sexe torride… Un roman qui vous fera vivre un vrai tourbillon d’émotions !

 

 * * * * * * * * 

 

 Chapitre 1 

Solène croisa les bras sur sa poitrine et leva les yeux au ciel, exaspérée. Tant d’agitation pour un simple joint !

Elle devait néanmoins reconnaître que jamais elle n’avait vu sa mère dans un tel état de fureur. Son visage était écarlate, ses yeux sombres lançaient des éclairs et ses cheveux étaient dressés sur sa tête telle la chevelure de serpents de Méduse, dont le seul regard pouvait statufier quiconque osait la défier. Mais à défaut de la pétrifier, la réaction de sa mère avait plutôt tendance à la dégoûter : elle hurlait si fort que des postillons voletaient devant sa bouche et que ses yeux sortaient quasiment de leurs orbites.

Certes, elle avait fait une connerie et, oui, ce n’était pas la première fois. Mais là, elle avait réellement été sanctionnée pour rien. Elle n’avait même pas eu le temps de tirer une taffe que Devert l’avait attrapée par la manche et l’avait traînée jusqu’au bureau du directeur. Sa mère avait été immédiatement avertie de cette énième infraction au règlement du lycée et, depuis, les foudres de l’enfer ne cessaient de s’abattre sur elle.

– Maman, je te jure, c’était la première fois !

– C’est ça ! Prends-moi pour une conne ! Dis plutôt que c’était la première fois que tu te faisais attraper, oui. Solène, j’en ai marre. Je t’avais prévenu en début d’année scolaire. Tu ne me referas pas vivre le même cauchemar que l’année dernière. Tu veux redoubler à nouveau une classe, c’est ça ?

– Ça va ! C’est bon ! Y’a pas non plus mort d’homme !

– Ça suffit, tes réflexions ! Va dans ta chambre !

L’adolescente se leva rageusement du vieux canapé et contourna sa mère dressée devant elle en marmonnant.

– Sans ruminer, s’il te plaît ! ET ENLÈVE-MOI CETTE PEINTURE DE TON VISAGE ! ON DIRAIT LA PUTE DE TON PÈRE !

Solène fila jusqu’à sa chambre sans se retourner, le cœur lourd de colère et de chagrin. Elle referma la porte derrière elle et se laissa tomber sur son lit en pensant à son père. S’il avait été là, il n’aurait pas été aussi dur avec elle. Depuis son enfance, elle avait toujours eu une relation privilégiée avec lui, obtenant de lui à peu près tout ce qu’elle voulait. Mais ça, c’était avant, du temps où ils habitaient encore tous les quatre dans le bel appartement de 120 m² dans le 7e arrondissement, avec vue sur les toits de Paris et sur la Tour Eiffel. Désormais, il lui fallait supporter sa mère acariâtre et son petit frère de 13 ans dans un appartement de 60 m² dans le sud des Hauts-de-Seine, avec vue sur un immeuble gris et avec un voisinage des plus bruyants.

Cela faisait quatre ans que son père, Armand, avait fait exploser leur famille idéale. Tout ça pour une étudiante quinze ans plus jeune que lui venue faire un stage dans son entreprise de matériel sportif. Solène avait très mal vécu cet abandon. Comme ce père modèle avait-il pu les quitter et les laisser seuls avec leur mère ? Mais la cerise sur le gâteau, c’est quand une petite blonde à la frimousse adorable était née, quelques mois plus tard. Âgée maintenant de trois ans, la fillette était aussi belle et gentille que sa mère. Charlène, la nouvelle compagne de son père, avait toujours su garder ses distances avec Solène et son frère, leur laissant de l’espace pour voir leur père autant qu’ils le voulaient, et ne s’imposant pas à eux.

Contrairement à Solène, sa mère, Béatrice, n’avait jamais digéré la trahison de son mari, ni la naissance de la petite Lila. Depuis le divorce officiel de ses parents trois ans plus tôt, Solène ne reconnaissait plus sa mère, dévorée par la rancœur et arborant continuellement son masque de dureté. A 36 ans passés, elle ne parvenait pas à faire le deuil de sa vie passée. Solène connaissait assez l’histoire de ses parents pour comprendre un minimum sa mère.

Peu après leur rencontre, Béatrice avait arrêté ses études pour épouser Armand Davillier, ce jeune homme plein d’ambition qui voulait créer sa propre marque de sport. L’acharnement et le travail avaient payé puisqu’ils étaient devenus en quelques années un couple en vue, invités dans les soirées mondaines, fréquentant le haut du pavé parisien. Mais alors qu’il lui semblait que rien ne pourrait venir entraver leur route vers le succès, Armand avait lâché femme et enfants, et Béatrice avait tout perdu : prestige, amies, fortune. Et elle se retrouvait maintenant à devoir faire vivre sa famille déchirée sans rien d’autre que son amertume et un emploi de vendeuse en boulangerie.

Solène observa le plafond de cette chambre minable qu’elle détestait. Elle en avait marre que sa mère lui mette la pression pour ses études. Pour elle, ce n’était pas ça le plus important. A 17 ans, elle ne souciait pas de l’avenir. Après tout, elle n’était qu’en Première. Elle avait bien le temps de voir venir. Pour le moment, elle voulait seulement s’amuser avec ses amies, fumer, boire et draguer des mecs.

Elle poussa un soupir et esquissa un sourire moqueur. Bah ! Que risquait-elle de toute façon avec cette histoire de joint ? Rien de pire sans doute qu’un avertissement.

 

 *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  

Solène – Défiance (tome 2)

Désormais majeure, Solène reprend sa scolarité dans le pensionnat pour jeunes filles de Giray-sur-Sèvre pour son année de Terminale. Mais la vie réserve son lot de surprises.

Entre un deuil difficile à surmonter, une liaison perverse, des retrouvailles aussi espérées que passionnées et un procès à préparer, Solène va devoir faire preuve d’une force mentale à toute épreuve.

Flirts, nouvelles amitiés, violences, sexe torride… Un second tome qui vous plongera dans la vie mouvementée de cette jeune femme passionnée !

* * * * * * * *

Chapitre 1

Quelle poisse ! Il fallait que ça lui tombe dessus aujourd’hui, le jour de la rentrée scolaire ! Elle aurait pourtant dû y penser avant. Après tout, ce n’est pas comme si ça ne revenait pas chaque mois, presque jour pour jour !

Elle secoua la tête, les mèches noires de son carré plongeant giflant ses joues, et poursuivit sa course. Sous ses pieds chaussés de sandales plates, l’asphalte défilait rapidement. Son cœur cognait fort dans sa poitrine et les muscles de ses mollets commençaient à être douloureux. Elle ne faisait pas assez de sport, c’était incontestable ! Comme souvent, elle prit la résolution de s’y mettre dès qu’elle serait revenue de la petite épicerie de Mamie Nova. Puis elle leva les yeux au ciel, sachant très bien que c’était une promesse qu’elle ne tiendrait pas. Après tout, quel besoin avait-elle de faire endurer cette torture physique à son corps, puisqu’elle était déjà mince ?

Solène arriva en vue du grand portail en fer forgé noir qui fermait le domaine et poussa un soupir de soulagement. Les coutures de son short en jean commençaient à exercer des frottements très désagréables entre ses cuisses, et elle sentait la sueur imbiber son top le long de sa colonne vertébrale. Elle grommela. Elle serait bonne pour reprendre une douche quand elle aurait regagné sa chambre. Heureusement, elle ne commençait les cours que cet après-midi.

Elle stoppa sa course et se mit à marcher. Elle inspira à grandes goulées le doux et pur parfum des sous-bois, expulsant l’air vicié de ses poumons. Comme elle aimait cette odeur d’humus, de fougère, de terre et de résine. L’an passé, il ne lui avait fallu que quelques semaines à elle, la citadine, pour tomber amoureuse des bois, des champs et des couchers de soleil des Deux-Sèvres. Quoi de plus relaxant en effet que de fermer les yeux et d’écouter le chant des oiseaux dans les branchages, le vent dans les feuillages, le bruissement d’un ruisseau, le ronronnement lointain d’une moissonneuse ou d’un avion dans le ciel ?

Reprenant peu à peu une respiration normale, Solène franchit la porte en fer accolée au portail ouvragé et plus que centenaire. La maisonnette juste derrière elle était plongée dans le noir. Sans doute le gardien était-il occupé avec quelques autres employés à tondre les vastes pelouses, à tailler les haies ou bien à réparer un désagrément rencontré par le château vieillissant transformé en lycée pour jeunes filles. En ce lundi matin, jour de rentrée scolaire, François ne devait pas manquer d’occupation.

*

– Mais dis-moi ? Tu as pris quelques centimètres durant l’été, non ?

– Oui, Madame, un petit peu.

– Et tu es très jolie avec cette coiffure. Ça te va très bien.

– Merci, vous êtes gentille.

Comme toutes les élèves du lycée Sainte Victoire, Solène appréciait beaucoup la vieille dame aux épais cheveux blancs qui tenait l’épicerie du petit village de Giray-sur-Sèvre. Toujours souriante et d’humeur égale, elle mettait les gens à l’aise, leur faisait la conversation, les conseillait quand ils hésitaient entre deux marques d’un même produit et recevait les confidences de toutes les commères du village. Elle connaissait tout sur tout le monde, mais ne colportait pas les ragots. Elle était la grand-mère que chaque élève du lycée aurait voulu avoir. Patiente, tendre, prévenante. Sa voix douce et chaleureuse et ses petites attentions particulières envers chacunes donnaient envie de la remercier par un câlin.

– Ce n’est pas aujourd’hui la rentrée scolaire ? demanda-t-elle en observant la jeune femme penchée au niveau du rayon hygiène.

– Mais je ne commence les cours que cet aprem. Vous n’avez plus de … Ah ! Si ! J’ai trouvé !

– C’est l’année du Bac pour toi, je ne me trompe pas ?

– Non, c’est bien ça, répondit Solène en posant ses achats devant la vieille femme aux lunettes suspendues au bout de son nez.

– Ah ! Vu ton empressement, j’imagine que la mauvaise période du mois a débuté sans que tu ne t’y attendes !

– En, c’est bien ça, répondit Solène en posant ses achats devant la vieille femme aux lunettes suspendues au bout de son nez.

Embarrassée, Solène tourna la tête à droite et à gauche pour s’assurer qu’elles étaient seules dans la petite boutique. Heureusement, elles étaient seules.

– Eh bien… Dans la précipitation de mon départ de chez ma mère, j’ai oublié de glisser ce qu’il fallait dans mes bagages. Et ce matin, c’était… Enfin, bref ! Une copine de chambre m’a dépannée, mais j’ai besoin de stock.

– Oui, je comprends, dit la vieille femme en passant les divers articles devant le scanner de sa caisse enregistreuse. Quelle chance vous avez d’avoir toutes ces serviettes hygiéniques et ces tampons à disposition. De mon temps, il fallait laver les linges souillés que l’on mettait dans nos culottes. C’était à la fois dégoûtant et très pénible, car tu imagines bien qu’il en fallait beaucoup pour absorber cinq à six jours de pertes sanguines.

– Oui, j’imagine, répondit Solène, amusée par cette confession d’un autre temps.

– Et puis, lorsque les tampons sont apparus, on nous a déconseillé de les porter car, paraît-il, ça faisait perdre sa virginité.

La vieille dame se mit à rire. Solène sourit devant le ridicule de cette croyance, mais comprit néanmoins que les femmes des générations précédentes se soient méfiées de cette invention qui pénétrait la partie la plus intime du corps féminin. Après tout, leurs connaissances de l’anatomie n’étaient alors pas aussi développées qu’aujourd’hui.

– Ça fait neuf euros, demoiselle, lança la vieille dame avec un sourire.

Solène paya et attrapa les anses du petit sac en plastique transparent dans lequel elle avait glissé deux paquets de gâteaux au chocolat en plus d’une boîte de tampons et d’un pack de douze serviettes hygiéniques.

– Eh bien, bonne rentrée Solène !

– À bientôt !

La vieille femme lui retourna un tendre sourire nacré et lui souhaita une bonne journée. Solène sortit sur le trottoir, laissant la porte se refermer toute seule derrière elle, puis traversa la rue en jetant un regard soulagé vers le sac en plastique. Un rugissement tonitruant frappa alors ses oreilles. Elle tourna la tête vers l’origine de ce son retentissant et ouvrit de grands yeux effrayés en constatant qu’un engin rouge fonçait sur elle. Dressée au milieu de la route, elle recula prestement en lâchant un cri, mais le talon de sa sandale accrocha le bitume et elle tomba en arrière. Ce furent ses fesses, puis ses coudes, qui amortirent sa chute. Le bolide rouge était déjà sur elle. Elle poussa un hurlement, le cœur au triple galop. Le rugissement d’un moteur en pleine décélération rebondit bruyamment entre les maisons du petit bourg, tandis que le véhicule stoppait à seulement quelques centimètres d’elle.

Son sang tambourinant à ses tempes, elle ferma les yeux avant de s’allonger sur le sol noir et brûlant. Elle était en vie… Elle entendit qu’on lui parlait, mais la voix était comme étouffée. Elle rouvrit les yeux et constata que le motard avait coupé le moteur et mis pied à terre. Agenouillé près d’elle, entièrement vêtu de cuir noir et rouge, il s’adressait à elle.

– Ça va ?

De lui, la jeune femme ne voyait que ses yeux en amande d’un bleu très profond. Un bleu couleur d’orage. L’homme reposa sa question, sa voix étouffée par son casque.

– Est-ce que ça va ?

– Oui, marmonna-t-elle avant de s’asseoir.

Le motard lui tendit une main gantée, qu’elle saisit, et ils se relevèrent d’un même mouvement. Solène tâta ses fesses douloureuses, puis ses coudes écorchés. Elle grimaça.

– Vous n’avez rien de cassé ?

– Non, je crois que non.

– Je suis désolé.

– Non, c’est ma faute. J’ai traversé sans regarder.

Solène avisa soudain son sac d’achats gisant au milieu de la route, éventré. L’homme suivit son regard et s’empressa d’aller ramasser les quatre paquets cabossés qu’il lui ramena. Solène rougit quand il lui tendit la boîte de tampons et le paquet de serviettes.

– Bon… Vous êtes sûr que je peux vous laisser ? Vous êtes un peu pâle.

– Non, je vous jure, ça va.

– OK… Sinon je peux appeler les pompiers. Vous avez fait une sacrée chute !

– Non, je vous dis que ça va, insista Solène en reculant jusqu’au trottoir. Vous pouvez y aller.

– Oui ? Bon… Très bien. Alors… Salut !

– C’est ça.

L’homme remonta sur sa monture rouge à la ligne sauvage, démarra, donna quelques coups d’accélérateur et, après un dernier signe de tête à l’attention de la jeune femme, s’éloigna rapidement dans un rugissement de moteur. Solène eut le temps de voir un logo blanc sur le dos du motard, comme une tête de renard au museau pointu, avant qu’il ne disparaisse dans le virage suivant.

 

*  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *

 

Solène – Résilience (tome 3)

Dix années ont passé depuis que Solène a quitté le lycée. Désormais revêtue de l’uniforme de gardien de la paix, elle patrouille dans Paris, tout en rêvant de quitter le terrain pour l’investigation. Durement confrontée à la violence du quotidien et à la misère humaine, elle trouve du réconfort auprès de sa colocataire gentiment délurée et de ses amant(e)s occasionnel(le)s.

Mais sa vie se trouve soudain perturbée lorsqu’un homme sorti tout droit de son passé tente de la séduire, lui offrant le plus doux des visages. Désormais adulte et moins naïve qu’autrefois, trouvera-t-elle en lui celui qui pourrait partager sa vie ? Et si, dans l’ombre, un prédateur attendait son heure ?

Violence, sexe torride, amitiés profondes, univers policier, love story… Dans ce troisième et dernier tome, suivez Solène au rythme de ses temps forts professionnels et des élans de son cœur.

 

 * * * * * * *

Chapitre 1

 

Dans la poitrine de la jeune femme, ses battements de cœur avaient pris un tempo plus soutenu que d’ordinaire. Face à Solène, la silhouette affichait une posture menaçante et la gueule noire de son arme était braquée dans sa direction. Un sourire étira ses lèvres. À l’excitation se mêla un brin d’appréhension. Ici, le danger était omniprésent. Et mieux valait ne pas l’oublier.

– Le groupe suivant ! En place !

Elle posa une paire de lunettes aux verres jaunes sur son nez, ajusta un casque anti-bruit sur ses oreilles et s’avança de quelques pas. Rompue à cet exercice qu’elle pratiquait plusieurs fois par an, Solène connaissait les deux règles de base : maîtrise et sécurité.

– Vous avez intégré le déroulé du parcours ?

Les quatre fonctionnaires opinèrent du chef en silence. Le moniteur recula pour passer derrière la ligne de tir, son sifflet à la main. Solène lui jeta un dernier regard avant de se concentrer sur les cibles aux formes humaines alignées à une dizaine de mètres d’elle. Ce n’était pas le moment de se laisser distraire.

– Mettez vos armes en sécurité !

Solène chaussa son SIG-Sauer SP 2022 d’une main ferme, le sortit de son étui de ceinturon et tira la culasse en arrière pour vérifier que la chambre était vide. Elle engagea un chargeur contenant quinze munitions de 9 mm dans le puits, fit coulisser fermement la culasse vers l’arrière pour faire monter une cartouche dans la chambre, désarma le marteau et remit l’arme dans son étui après avoir contrôlé l’indicateur de chargement. Prête pour cette séance de tir trimestrielle qu’elle affectionnait beaucoup, elle inspira profondément avant de se camper solidement sur ses jambes, dans l’attente du coup de sifflet.

Lorsque le signal fut donné, la gardienne de la paix s’élança vers la silhouette qui pointait sur elle le dessin d’une arme de mort. Elle gagna rapidement un abri haut derrière lequel elle se dissimula, sortit son arme, visa et appuya sur la queue de détente à cinq reprises. Elle désarma le marteau, rengaina et s’avança vers l’abri bas, quelques mètres plus avant. Elle s’agenouilla, visa et tira de nouveau cinq cartouches.

Dans ses oreilles résonnaient les détonations assourdies par le casque de protection. Dans ses narines, l’odeur piquante de la poudre en suspension se faisait agressive. Les yeux braqués droit devant elle, Solène ne voyait que la silhouette de l’individu qu’elle devait neutraliser. Elle quitta l’abri bas d’un bond souple, pointa son arme devant elle et vida le reste de son chargeur en plein dans le rectangle central de la cible, à hauteur du ventre, sans même avoir besoin de viser. Très vite, elle éjecta le chargeur vide, ré-inserra un chargeur plein et reprit son tir avec cinq impacts de plus. Puis elle désarma le marteau du SIG et replaça l’arme dans son étui avant de regagner le pas de tir, suivie de près par ses trois collègues.

– Parfait, lança le moniteur en s’approchant des fonctionnaires de police. Thierry, enroule bien tes deux mains autour de la crosse quand tu tires, ça stabilisera davantage ton arme.

– OK, grogna le brigadier, appréciant modérément les conseils d’un homme plus jeune que lui, bien qu’il fût moniteur de tir depuis plusieurs années.

– Pour terminer, vu qu’il vous reste dix cartouches, on va faire du tir visé.

Il désigna l’angle supérieur droit de la feuille criblée d’impacts.

– Vous me mettez tout dans le cercle. Vous prenez votre temps, mais je ne veux pas en voir une dehors.

Solène hocha la tête avec un sourire. C’était, lors des séances de tir, le moment qu’elle préférait. Aligner le guidon et le cran de mire avec la cible, stabiliser l’arme avec fermeté mais souplesse, et presser lentement la queue de détente jusqu’à ce que le coup parte. Une sensation indescriptible.

*

– Joli, Solène ! s’exclama Vincent, le moniteur de tir, après avoir décompté les impacts sur la silhouette noire et dans le cercle. 17 sur 20 et 10 sur 10. On voit bien que tu as une préférence pour le tir visé.

– J’avoue, fit-elle en lui tendant une cible intacte qu’il suspendit aux crochets. J’aime la précision.

– Et tu as quelque chose de prévu ce soir ? murmura-t-il en se penchant légèrement vers elle.

Elle huma discrètement l’air. Mêlé à l’odeur de la poudre, omniprésente dans ce stand de tir, le parfum de Vincent invitait à des ébats torrides dans des draps froissés. Une bouffée de chaleur embrasa son ventre. Elle fit un pas en arrière pour reprendre ses esprits, et son regard glissa sur le corps du moniteur, particulièrement mis en valeur dans cette combinaison bleu foncé qui lui faisait un cul d’enfer.

– Rien pour le moment. Je finis à 22h30 et je comptais rentrer me mater une série.

– Ça te dit de venir la voir chez moi ? demanda-t-il en louchant sur ses seins, prisonniers du polo bleu pâle réglementaire.

La jeune femme se mordit les lèvres, réfléchit quelques secondes et plongea son regard sombre dans le sien.

– Pourquoi pas ?

Lorsqu’il fixa sa bouche avec l’intention évidente d’en prendre possession dans l’instant, elle préféra tourner les talons. Elle ne voyait aucun inconvénient à coucher à l’occasion avec Vincent, charmant trentenaire aussi célibataire et sexuellement actif qu’elle. Mais il était hors de question qu’elle affichât son libertinage devant ses collègues de brigade. Sa manière de vivre donnait déjà suffisamment lieu à des commentaires de fonctionnaires du commissariat un peu trop curieux ou prompts à juger.

Elle se dirigea sans un regard en arrière vers le pas de tir et rejoignit ses trois collègues, attelés à nettoyer leurs armes de service sur une table couverte de chiffons, goupillons, brossettes et petits flacons d’huile.

– Alors ? lança Manu sans quitter des yeux la culasse qu’il était en train d’astiquer. C’est pour ce soir ?

– De quoi tu parles ? demanda-t-elle innocemment.

– Allez ! C’est flagrant qu’il pense qu’à te baiser ! Le truc c’est de savoir si tu vas le laisser te chopper ou non.

– J’en sais rien, dit-elle en prenant place face à Farid, en plein remontage de son arme. Peut-être. J’ai pas encore décidé.

Les trois hommes, loin d’être dupes, se mirent à rire. Habituée à leurs taquineries et à leurs plaisanteries salaces, Solène se contenta d’afficher un sourire amusé et entreprit de démonter son arme encrassée par les résidus de poudre. Aucun n’avait besoin de savoir que cela faisait longtemps qu’elle savait ce que Vincent dissimulait sous sa combinaison de moniteur de tir.